Un désert de pierre n’est point un jardin

Les jardins respirent par leur végétation et se nourrissent par leur sol.
Leur biodiversité les distrait. Les ébats de la faune les amusent.
Voilà pourquoi un désert de pierre n’est point un jardin.

Le Conseil fédéral s’est emparé du problème, mais …

 

Les fondamentaux

Entre minéralité et myriade de végétaux, les jardins sont des œuvres harmonieuses et vivantes.
Leur ombrage, leur fraicheur et leur biodiversité, mais aussi leur élégance, leur beauté, leurs productions fruitières et potagères procurent le bien être.
Par ailleurs, un jardin épure les eaux et améliore la qualité de l’air.
Le sol, avec ses propriétés biologiques uniques, revêt une importance cruciale pour la réussite d’un jardin.

Le procédé incriminé

Etouffer le sol avec une bâche, puis la recouvrir de pierraille écrasante, dans le dessein de prohiber le développement de la vie est un acte malveillant.
Malveillant parce que le procédé tue la vie dans le sol, détruit sa structure, condamne la biodiversité tant végétale qu’animale, empêche la rétention en eau et favorise les îlots de chaleur.
Voilà pourquoi un désert de pierre n’est point un jardin.

Le processus politique en cours

Dans ce contexte, le Conseil fédéral adopte le rapport « Halte à l’empierrement des espaces verts » en décembre dernier.
Cette adoption fait alors suite au postulat ‘Halte à l’empierrement des espaces verts’ déposé par Madame la Conseillère nationale Martina Munz .
Les ‘jardins de pierres’ pourraient dès lors ne plus être considérés comme espaces verts, mais comme zones construites.

La problématique

Si l’intention au fond est louable, le rapport associe le procédé au terme de jardin.
Or pour les raisons cités précédemment, un désert de pierre n’est point un jardin.
En effet, le rapport ne distingue pas les rocailles, les nobles murets en pierre sèche, les murgiers structurés, les merveilleuses évocations minérales des jardins japonais ou chinois, les magnifiques berges d’étang en galet, ainsi que la pléiade d’autres œuvres paysagères.

A l’instar du titre du reportage de la RTS du 6 janvier 2023 ‘Le Conseil fédéral veut lutter contre les jardins recouverts de pierres’, la tournure que prend cette affaire est source de grandes ambiguïtés.
L’incertitude est renforcée par la dénomination ‘jardin de pierres’, traduction littérale de ‘Steingarten’, la rocaille en allemand …
D’ailleurs, la première règlementation communale en Suisse stipule : « Les rocailles (jardins de gravier), qui n’ont aucune utilité écologique, ne sont pas autorisées ».

La technique du paillage

La technique consiste à recouvrir le sol avec un matériel organique ou minéral, souvent au pied des plantes.
Elle protège le sol de l’érosion, de la battance et de l’évaporation.
La fraicheur et l’humidité de la terre se conservent durant les périodes de canicules et de sécheresses, permettant d’espacer les arrosages.
De plus, le paillage limite la prolifération des mauvaises herbes et protège la terre du froid hivernal.

Le paillage minéral

Bien connus pour leurs vertus, les lit de pierre, de gravier, de galet ou d’ardoise constituent les paillages minéraux du sol.
Ils se trouvent être particulièrement durables, stables lors des épisodes venteux et très esthétiques.
Ils se réchauffent rapidement au printemps et emmagasinent la chaleur en été.
Par leur nature, ils ne demandent que peu d’entretien et offrent le gîte aux animaux.
Ils n’entretiennent toutefois pas le même taux de fertilité du sol, que les paillages organiques.
La faune du sol, tel que vers-de-terre et micro-organismes, est un peu moins favorisée.

Certes un désert de pierre n’est point un jardin, mais comment faire alors ?

Nos recommandations, basées sur notre expérience et notre expertise, sont les suivantes :

  1. Les bâches étanches de couverture du sol sont à proscrire.
  2. Les déserts stériles de pierre doivent être interdits.
  3. Les nattes de séparation installées à bon escient, laissant respirer le sol et s’infiltrer l’eau, sont tolérées.
  4. Les paillages minéraux ont leur raison d’être pour les zones plantées.
  5. Les œuvres paysagères en pierre, ou en gravier, font partie intégrante de l’art des jardins qui doit pouvoir s’exprimer librement.

Qu’en est-il du prix ?

Certaines légendes urbaines laissent à penser qu’un désert de pierre est moins onéreux.
Il n’en est rien.
L’investissement initial coûte plus qu’une végétalisation, sans parler de sa remise en état ultérieure.
Malgré sa standardisation, l’entretien d’un désert de pierre augmente lui progressivement au fil du temps.

Conclusion

Avant toute nouvelle réglementation, les autorités définiront avec précision l’état final recherché.
Puis elles détermineront les moyens d’y parvenir : la contrainte, l’incitation, la sensibilisation, ou les trois.
Une ‘surface recouverte de gravier nuisible à l’environnement’ répond à des critères objectifs connus des professionnels.
La fonctionnalité, l’impact sur la nature, l’imperméabilisation des sols, la végétation, la surface autorisée, la technique de construction en sont quelques-uns parmi d’autres.
Là aussi, les autorités devront se prononcer avec clairvoyance et bon sens.
Des exceptions doivent impérativement être autorisées afin de préserver le bel ouvrage.
Non seulement les réalisations favorisant la biodiversité doivent être préservées, mais également les œuvres paysagères, ainsi que les chemins et terrasses en gravier, les paillages minéraux et les rocailles.

Un désert de pierre n’est point un jardin